Accepter les autres

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Pour accepter les autres, il ne faut pas forcément les accepter comme ils sont, comme ils se montrent à nous avec leurs qualités et leurs défauts. Accepter les autres, c'est accepter qu'ils aient un mystère qu'on ne connaît pas et un avenir qui pourra les transformer. Les accepter, c'est donc un acte de foi et un acte d'espérance. Et c'est en ce sens que c'est un acte d'amour, parce que l'amour, tout comme l'acceptation de l'autre, c'est d'abord un acte de foi et une forme d'espérance.

Accepter l'autre, c'est donc d'abord un acte de foi. On croit souvent que la foi, c'est ce qui rend visible et évident ce qui est invisible et insaisissable (Dieu par exemple). Je suis tenté de dire exactement le contraire. La foi, c'est un regard sur le monde qui rend mystérieux ce qui paraît évident et compréhensible. Et l'acceptation de l'autre, parce que c'est une forme de foi, c'est un regard qui rend inconnaissable et mystérieux celui que nous pensons bien connaître. Oui, pour accepter l'autre, il nous faut découvrir qu'il est insaisissable. Il devient inconnu, il devient énigme. Et c'est pourquoi nous pouvons l'accepter.

Accepter l'autre nous interdit non seulement de le juger, mais aussi de le connaître, parce qu'il est et doit rester un mystère. Aimer quelqu'un, c'est être attiré et aimanté par son mystère. Et accepter quelqu'un, c'est respecter son mystère.
Le commandement "Tu aimeras ton prochain comme toi-même", lorsqu'il apparaît pour la première fois, dans le livre du Lévitique (Lev 18) vient peu après une série de commandements interdisant de découvrir la nudité du prochain. Le texte dit d'abord : "Tu ne découvriras pas la nudité de ton père, ni celle de ta mère, ni celle de ton frère, de ta soeur..."  Puis un peu plus loin, il ajoute : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" . Pour l'amour, l'autre est un tabou et même un interdit dont il ne faut pas découvrir la nudité, le secret, le mystère.

Accepter son prochain, c'est lui dire : Mon frère, ton sourire ou tes rides, tes qualités ou tes défauts ne sont pour moi que le miroir obscur de ta véritable identité. Tu es à l'image de ce Dieu dont je ne peux me faire aucune image. Oui, vois-tu, tu troubles tout ce que je peux connaître de toi. Devant toi, je suis myope. Avec mes bras tendus vers toi, je n'embrasse que le vide, même lorsque je crois te tenir. Et lorsque j'approche mes lèvres de tes paupières, je ne suis qu'un aveugle qui boit la lumière d'un mystère.

Donc accepter l'autre, c'est un acte de foi dans son mystère, mais c'est aussi une forme d'espérance. Accepter son prochain, c'est espérer à l'encontre de ce qui est visible, à l'encontre des évidences, a contrario de tout ce que nous pouvons voir et savoir sur lui.

Accepter son prochain, son frère, son fils, son époux, c'est espérer à sa place lorsqu'il tombe en déchéance. C'est lui dire : je te le promets, tu ne t'écrouleras pas, tu ressusciteras.

Accepter l'autre, c'est donc un acte de foi, d'espérance et d'amour. Mais pourquoi St-Paul dit-il que l'amour est plus grand que la foi et que l'espérance ? Parce que, me semble-t-il, l'exigence de l'amour et de l'acceptation de l'autre est prioritaire par rapport aux exigences de la justice et de la morale, et même par rapport à celles que pourraient-nous dicter notre foi et notre espérance en Dieu.

Camus disait : "S'il me faut choisir entre ma mère et la justice, je choisirai ma mère". De même j'ose dire : s'il faut choisir entre la foi et l'amour, entre l'espérance et l'amour, je dois choisir l'amour.

L'acceptation de l'autre conduit parfois à une forme de sacrifice qui peut être même celui des devoirs de la foi et de l'espérance.

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